ARTICLES DE PRESSE

Une musique qui raconte des histoires

Midi-Libre Montpellier. Portrait Kamala Rocher sculpte sa voix de légende

RENCONTRE : La soprano lyrique chante en danse envoûtante. Histoire

Sur scène, elle tient droite. Comme prise dans un étau. Frêle silhouette. Et sa voix se libère, large tessiture, profonde, grave. Vibrante. Envoûtante. Étonnante. Et quand Kamala ne chante pas, elle rit.
Regard bleu vif, verbe haut. Elle se raconte. Elle, l’enfant de San Francisco devenue montpelliéraine. Par amour, « pour chanter ! » Chanter cette vie qui l’habite. Chanter comme elle dansait, jeune fille. Jusqu’à ce qu’une polyarthrite la bloque. Et c’est alors alitée, coincée dans un corset, qu’elle a choisi sa voie. Par cette voix qu’elle module à souhait. Et qu’elle offre, en paroles gaies, avec un léger accent américain.
Kamala Stroup-Rocher parle vite. Sa vie est un conte. Une légende à la Woodstock. Née à San Francisco, elle a « mené une enfance de bohème ». Libye, Grèce, Espagne… « Jusqu’à 12 ans, je n’ai pas vraiment connu l’école. J’étais en décalage complet. » Il lui aura fallu un beau-père londonien pour se retrouver en pension… Etudier la géométrie et « découvrir le chant avec un pro de musique, un compositeur » qui lui offre des bases tangibles. Mais à l’époque, l’adolescente se vouait à la danse. Et douée, elle « y croyait ».

Après l’Angleterre, la voici de retour en Californie pour étudier et danser. Elle a 16 ans. La maladie dégénérescente se déclare. Violente. Kamala subit les traitements, les opérations… Et elle raconte les séquoias géants, la campagne qui la porte, les nuages qui filent sur la baie… Puis parle de ses premiers récitals. « La musique est incroyable. Moitié art, moitié sport. » Volontaire, elle s’entraîne encore et encore, vocalise. Se renforce. Oubliant sa minerve. Faisant fi des vis qui lui bloquent la tête. Elle s’inscrit en stage, prend l’avion, relève les défis, passe des auditions, s’impose en concours. Avance. En équilibre dans le mouvement. De la maladie, elle ne dit rien sauf : « J’ai apprécié les évolutions positives de la médecine. » Entre les États-Unis et la France, la jeune prodige lyrique explore les répertoires romantiques et baroques. En 2001, elle s’installe à Montpellier… Pour la force de la nature avec « ces automnes flamboyants ; les tomates de l’été ; le printemps et l’infinité de fleurs qui parfument tout recoin de la ville, la couleur du soleil qui est tellement particulière à chaque saison. » Invitée par le chef d’orchestre Jean Gouzes, Kamala a chanté plusieurs fois, soliste, avec le choeur de l’Enclos de Montpellier… Si elle rêve d’allier sa voix à l’orchestre philharmonique, pédagogue passionnée, elle donne des cours à l’école de musique des Beaux-Arts. Pour 2010, elle prépare une représentation du Ani Maamin de Milhaud au Grand Orient de France à Paris ; la reprise du rôle de Mireille ; une tournée en Californie sur les oeuvres de Samuel Barber et un cycle Winterreise de Schubert au festival Automne musical de Nîmes. « Pour élargir le cercle de travail, le parcours est compliqué. On peut connaître les notes, mais il faut que le corps coordonne tout ça. » Discipline obligée. Le doute inhérent à la sensibilité.

Et Kamala, dans un rire, assure : « La vie est belle sur cette planète. Généreuse. » A préserver.

Camille-Solveig FOL